lundi 17 juin 2013

Maurice Nadeau, éditeur et signataire du manifeste des 121 est mort


Il était un des 121 signataires du manifeste appelant au droit à l'insoumission pendant la guerre pour l'indépendance en Algérie. Homme de l'extrême gauche et esprit libre Maurice Nadeau avait aussi dénoncé la torture. Il était âgé de 102 ans. le fondateur de «La Quinzaine littéraire» s'est éteint dimanche.
Maurice Nadeau a fait partie des signataires du manifeste des 121.Maurice Nadeau a fait partie des signataires du manifeste des 121.
Esprit indépendant, éditeur de génie, lecteur avide et écrivain, Maurice Nadeau, décédé dimanche à l’âge de 102 ans, n’a jamais désarmé et sa vie se confond avec les livres, lui qui a révélé tant d’auteurs cultes, de Georges Perec à Malcom Lowry, de Henry Miller à Michel Houellebecq. «Pendant toute ma vie, j’ai toujours eu la bonne place pour découvrir des écrivains. J’étais à l’affût, j’écoutais, je lisais beaucoup, des manuscrits, les revues, la presse étrangère», expliquait en 2011 à l’AFP, pour son centième anniversaire, ce grand monsieur des lettres au flair admirable.
Né le 21 mai 1911, orphelin de guerre élevé par une mère illettrée, il était normalien et avait commencé sa carrière comme enseignant de lettres modernes puis journaliste et critique littéraire. Maurice Nadeau avait la carte de presse 5262, obtenue en juillet 1945 quand il était chroniqueur à Combat, avant de signer àL’Observateur, à L’Express... Il avait connu Aragon, Breton, Prévert, écrit une Histoire du Surréalisme.
Jusqu’au bout, cet éditeur et écrivain à l’allure de patriarche a veillé sur La Quinzaine littéraire, sa tour de guet, que l’ex-militant trotskyste avait fondé en 1966 après avoir créé la revue Les Lettres nouvelles. En mai 2013, il lançait encore un appel pour sauver le bimensuel, confronté de nouveau à de graves difficultés financières.«Le pari financier semble réussi, même s’il va falloir apporter des changements et nous poursuivrons son œuvre», a assuré lundi à l’AFP son fils Gilles Nadeau. Maurice Nadeau est également le père de la comédienne Claire Nadeau.
Avant de créer sa propre maison d’édition en 1977, Nadeau est directeur de collection chez de nombreux éditeurs. «J’ai été viré de chaque maison parce que je perdais de l’argent, Julliard, Laffont, Denoël... Mais je trouvais toujours quelqu’un pour me "recueillir"», disait-il avec bienveillance.
"Histoires d’amour"
Face aux grandes maisons, la sienne incarne les vertus de l’artisanat et de l’indépendance sans concession. Avec moins de dix livres par an, elle a eu rarement les honneurs des prix littéraires. Angelo Rinaldi disait de lui : «il est l’éditeur de l’impossible». Les coups de marketing, les visées commerciales, ce n’était pas pour lui. «Ma maison d’édition a toujours frôlé la faillite», relevait-t-il sans amertume. «C’est difficile d’être indépendant mais je l’ai toujours été.»
Il avouait être «très fier» de certains écrivains qu’il avait publiés et parfois défendus contre la censure, comme Henry Miller, qui lui avait donné toute son oeuvre. Il avait aussi écrit le premier article sur Samuel Beckett, ce dont l’écrivain irlandais lui a toujours été reconnaissant, a fait connaître Georges Bataille, René Char, Henry Michaux, Claude Simon, édité Lawrence Durell, Witold Gombrowicz et tant d’autres.
«Mais Malcom Lowry est ma plus grande découverte. Son roman,Au dessous du volcan, c’est l’une des plus poignantes histoires d’amour que j’ai jamais lue», confiait-il. «Georges Perec, aussi, je suis très fier de l’avoir découvert. Il avait été refusé partout. La plupart de ceux que je publiais l’avaient été. Après leur premier succès, ils me quittaient».
Ainsi, dès que Michel Houellebecq est sorti de la confidentialité après la publication par Nadeau d'Extension du domaine de la lutte, en 1994, il a rejoint de plus grosses écuries. «Je me définis comme un passeur. Jeune, je voulais changer le monde, j’étais un utopiste. Aujourd’hui, je me révolte encore mais je ne risque rien», disait Maurice Nadeau, au soir de sa vie, assurant ne pas être angoissé par l’âge ni la mort, lui qui, à 95 ans, avait dû convaincre un chirurgien «d’oser l’opérer» d’un anévrisme de l’aorte. Pour plagier les titres de deux des ouvrages de cet amoureux fou des livres et accoucheur de talents publiés en 1990 et 2002 : Grâces lui soient rendues pour cette Vie en littérature.
Avec AFP

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