mardi 29 octobre 2013

Si j’étais Président(4)...


Toute politique étrangère trouve sa source et son inspiration dans les grandes tendances de la politique intérieure. En d’autres termes, dans l’idéologie. Mais lorsque nous parlons d’idéologie, nous sommes taxés de nostalgiques d’une époque révolue. Le temps des idéologies relève du passé, nous dit-on. Ainsi en est-il de certains responsables actuels qui trouvent que les débats idéologiques nous font perdre du temps et qui n’ont dans la bouche que la rentabilité économique.
Mais lorsque les gouvernements successifs ont refusé les investissements publics dans le secteur industriel, le seul en mesure de créer ces centaines de milliers de postes de travail attendus par les jeunes, ne faisaient-ils pas de l’idéologie ? Le choix d’un ultralibéralisme qui a mis à genoux le pays, ne profitant qu’aux gros importateurs et aux circuits de l’économie informelle, n’est-il pas un choix idéologique ? Il n’y a pas mille systèmes économiques. Il y en a deux qui sont inspirés par deux idéologies fondamentalement opposées. Le premier vise à enrichir une minorité. Le second à distribuer équitablement la richesse nationale. Le premier est égoïste. Le second est généreux.
Et il y a pire : dans les pays où il n’y a pas de démocratie, le premier place des oligarchies au sommet de la pyramide. Les subalternes doivent obéissance et respect à ces familles anoblies par le système. Pour continuer à fonctionner, ce système a besoin d’un demi-dieu à son sommet, reproduction des empereurs et des rois de jadis qui décident de tout, connaissent tout et sont infaillibles. S’ils se trompent, personne ne leur dira qu’ils se sont trompés et l’erreur devient généralisée. On ne peut pas leur dire qu’ils ont tort, ni remettre en cause leurs ordres, ni même les discuter. On ne peut même pas les regarder dans les yeux. Tout élément qui veut réfléchir par lui-même est sommé de s’écraser et s’il continue à vouloir faire parler la raison et non le perroquet qui dort en lui, il devient suspect et la police politique s’occupe de lui. La grande foule suit. On l’endort par le discours religieux fondamentaliste. On la corrompt par des aides parcimonieuses qui en font une multitude d’assistés. La perte des repères identitaires ajoute au trouble général et l’on passe à un stade d’apathie contagieuse.
Devant les mairies, se forme la grande chaîne des gens qui attendent tout et n’importe quoi. On se bouscule, on se bagarre, on marche sur le corps de son voisin pour arracher qui un logement, qui un mouton, qui quelques boîtes de tomate en conserve et des paquets de spaghettis… La grande foule rentre fourbue chez elle. Elle allume le poste de télévision qui va la renvoyer aux siècles des rois et des esclaves. La leçon est bien apprise. Mais où est la culture, la nourriture de l’esprit ? Où sont les arts qui façonnent le citoyen moderne ? Où sont ces infrastructures culturelles que l’on promet dans les campagnes électorales ? Les villes s’endorment à l’heure des campagnes : au Moyen-âge, il y avait quelques spectacles de troubadours et des tavernes ouvertes ! Mais, chez nous, les cafetiers sont déjà en train de laver à grande eau leurs établissements. C’est l’heure de la prière du maghreb. C’est l’heure où la nuit tombe sur la ville et dans les cœurs.
Mais à quoi bon vivre et bien vivre ? A quoi bon les loisirs, la culture, le bonheur ? Nous aurons tout demain. Nos peuples vivent dans l’attente de la mort. Seule la mort peut leur offrir le paradis ! Alors, à quoi bon vivre ? Nous sommes nés pour rien. Il aurait été meilleur pour nous d’aller directement, du ventre de nos mères vers le paradis. Et les gens d’en face qui montent dans des trains propres, vont faire du ski, regardent les films en première vision, possèdent les meilleurs hôpitaux, mangent à satiété, se baladent dans des rues bordées de roses, vivent dans des cités propres, votent librement, voyagent aux antipodes du globe sans se ruiner, aiment, dansent et n’ont pas de flics Ringo aux barrages, ne vivent-ils pas déjà dans un paradis terrestre ? Non, nous disent les docteurs de la foi grassement payés par les patrons du système : faites attention, ça ressemble au paradis mais ce n’est pas le vrai paradis ! Souffrez pour avoir votre paradis authentique. Ceux d’en face ont un semblant de paradis mais finiront tous en enfer ! Pendant ce temps, les gens d’en haut, bien malins, profitent du paradis d’en face ! Ils montent dans des trains propres pour aller faire du ski, possèdent de belles demeures avec du gazon de premier choix et même des jardiniers, des valets et des gouvernantes ; ils vivent dans des cités propres et se baladent dans des rues bordées de roses. Ils se soignent dans les meilleurs hôpitaux de là-bas et ne viennent ici que pour lancer quelques programmes censés nous apporter un peu de bonheur, faire des tours dans le bled, pour que l’on voie à la télé qu’ils sont bien chez nous, puis repartent vers leur paradis.
N’est-il pas possible d’avoir le paradis sur terre et le paradis dans l’Au-delà ? Non, souffrez et remerciez Dieu qu’il ne vous arrive pas ce qui arrive à vos frères de Benghazi et Alep. Mais qu’est-il arrivé à nos frères de Benghazi et Alep ? Regardez la télé. Quelle télé ? La vôtre ou l’autre ? La vôtre nous donne la migraine et l’autre nous dit que ce qui arrive à nos frères est de votre faute ! Cette télé nous répète à longueur de journée que les dirigeants arabes ont vendu la Palestine pour s’assurer un règne à vie. S’ils recommencent à parler de la libération de la Palestine, s’ils font quoi que ce soit de sérieux pour inquiéter Israël, ils vont passer automatiquement dans la liste des «voyous», comme Bachar Al-Assad. Et s’ils osent tirer un Scud sur Tel-Aviv, ils seront pendus haut et court comme Saddam ! Les dirigeants arabes ont peur. Voilà pourquoi ils n’osent pas affronter l’Amérique et sa vermine sioniste ! Saddam est mort en homme debout et cela a suffi à faire oublier toutes ses forfaitures. Quels portraits portent aujourd’hui les manifestants aux quatre coins du monde arabe ? Ceux de Saddam et de Arafat. Ceux de Chavez aussi. Pas ceux de Moubarak ou de Ben Ali : ceux-là sont bien vivants mais n’existent plus dans le cœur des Arabes.
Alors, que vais-je faire en tant que président élu, face à ces urgences internationales ? D’abord, sortir de l’Union pour la Méditerranée où siège à côté de mon pays l’Etat sioniste, auteur de l’un des plus grands crimes contre l’humanité de ce siècle naissant ! Plus jamais de coups montés venus de Paris ! Sarkozy ou Hollande peuvent faire marcher les autres, pas l’Algérie souveraine, fille de la révolution de Novembre 1954 ! Cette union aux contours néocoloniaux manifestes n’est d’aucune utilité pour nous. Elle sert les intérêts stratégiques de l’Europe. Elle nous traite de mineurs, nous considérant comme de simples marchés pour l’écoulement des produits venus du Nord, ou même fabriqués chez nous par les multinationales. Etrangement silencieuse sur nos revendications d’assurer la libre circulation des personnes, elle vise, au contraire, à nous faire participer à la lutte contre l’immigration clandestine. Nous ne serons pas les policiers de l’Europe et je promets à nos «harraga» qu’ils auront les emplois et les loisirs qui leur manquent ici. Ils n’auront plus besoin de chercher le bonheur ailleurs. Nous nous attellerons à créer ce paradis terrestre qui leur manque en mettant tous nos moyens et toute notre énergie dans la mise en place d’infrastructures publiques économiques, sociales et culturelles capables d’éponger le chômage et d’offrir de bonnes conditions de vie aux jeunes.
Sortir de l’UPM et vite nous est imposé par notre devoir de solidarité avec la population meurtrie de Palestine. Au lieu de cette UPM de malheur, essayons de construire l’UMA afin que disparaissent les frontières et les passeports entre Maghrébins. Comme cela se passe en face ! Formons ce bloc de pays maghrébins unis et solidaires, parlant le même langage face à la puissante Europe. Mais d'abord, ne faudrait-il pas décoloniser le Maroc, propriété du roi et de quelques grands groupes français et américains ? Car un ensemble authentiquement maghrébin, tendu vers des objectifs servant exclusivement les intérêts des peuples, ne peut se bâtir avec un esprit et des pratiques néocoloniaux ! Voire même des coutumes sorties des époques ténébreuses où les cerfs devaient baiser la main de leurs maîtres ! Au fait, notre Khaled national, sujet du roi M6, a désormais pour obligation de s'incliner et de baiser la main royale !

Par Maâmar FARAH.

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