TROIS QUESTIONS : Benjamin Stora, professeur d’histoire du Maghreb à l’Inalco.
Comment analysez-vous les déclarations de l’ambassadeur de France en Algérie sur les massacres de 8 mai 1945 ?
Benjamin Stora : C’est une marque de reconnaissance de ce qui s’est passé durant la colonisation. On a déjà commencé à en parler durant l’été 2005, lorsque l’ancien ambassadeur avait qualifié ces évènements de "tragédie inexcusable". Mais cette fois-ci, on parle de "massacres". On passe donc d’un constat de tragédie à une qualification des faits. On n’est pas encore dans une logique de politique d’excuse, mais dans le stade de reconnaissance.
Pourquoi cette déclaration intervient-elle 63 ans après les faits ?
B. S. : Cela fait partie d’une suite. Il y a eu les propos tenus par l’ambassadeur Colin de Verdière en 2005, puis le discours du président français Nicolas Sarkozy à Constantine le 5 décembre 2007, et celui de Guelma. Depuis 2005, il y a une graduation dans les déclarations qui contredisent le discours de l’anti-repentance qui s’était développé en France ces dernières années.
Mais ne pensez-vous pas que les régimes successifs algériens ont eux aussi exploité politiquement cette date pour se maintenir au pouvoir ?
B. S. : Oui, l’histoire a toujours été instrumentalisée par le pouvoir politique algérien. Mais en même temps, elle est aussi importante pour la société algérienne. Les évènements de 8 mai 1945 font partie aussi de l’identité nationale des Algériens. Il est donc évident qu’il y a instrumentalisation, mais il existe aussi un fort nationalisme au sein de la société algérienne.
Propos recueillis par Tahar Hani.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire